Comment aider un enfant à gérer le stress de la rentrée quand on est professionnel en ITEP ?

un enfant qui pleure sur son bureau

Une rentrée qui ravive bien plus que des souvenirs d'école

Dans un Institut Thérapeutique, Éducatif et Pédagogique (ITEP), la rentrée scolaire est souvent bien plus qu’un simple changement de classe ou de programme. Elle peut réveiller chez l’enfant tout un cortège d’émotions complexes : de l’angoisse à la défiance, de la colère à la sidération. Ces enfants, souvent aux prises avec des troubles du comportement, des difficultés d’attachement ou de régulation émotionnelle, vivent ce moment non pas comme une étape parmi d’autres, mais comme une véritable épreuve.

Pour eux, la rentrée signifie souvent perte de repères, rupture dans la routine estivale, nouveaux visages à décrypter, incertitudes sur les attentes adultes, ou encore souvenirs douloureux de rentrées précédentes qui se sont mal passées. Ce stress d’anticipation peut se manifester de manière très variable : agitation, opposition, repli, crises de colère, troubles du sommeil ou somatisations (maux de ventre, fatigue soudaine…).

Cela peut aussi être tout l’inverse : la rentrée est synonyme de retrouvailles avec les copains, avec un cadre sécurisant et des professionnels à l’écoute Il faudra cependant vivre tout de même des changements et des séparations … et accepter à nouveau un rythme plus contraignant.

En tant que professionnel·le, il ne s’agit donc pas simplement d’”accueillir” l’enfant comme on le ferait dans un cadre scolaire ordinaire. Il s’agit de préparer un environnement suffisamment sécurisant pour contenir son insécurité intérieure, de poser les bases d’une relation de confiance malgré les appréhensions, et de lui permettre d’entrer dans l’année avec un sentiment de soutien plutôt que de menace.

Être un repère stable quand tout semble flou

Dans le quotidien d’un ITEP, les enfants sont souvent confrontés à une histoire de ruptures : ruptures familiales, ruptures scolaires, ruptures relationnelles. Dans ce contexte, la figure de l’adulte professionnel devient un repère fondamental, un point fixe dans un monde instable.

C’est pourquoi, en tant qu’éducateur, enseignant, psychologue ou personnel accompagnant, notre posture ne peut être neutre. Elle doit être claire, cohérente, prévisible. L’enfant a besoin de sentir que l’adulte en face de lui sait où il va, sait ce qu’il attend, et saura rester là même quand l’enfant le met à l’épreuve.

L’objectif n’est pas d’éviter le stress — il est inhérent à toute transition — mais de l’aider à être traversé sans effondrement, à être contenu, reconnu, et accompagné. L’enfant n’a pas besoin d’un adulte parfait, mais d’un adulte solide, explicite, et empathique.

1. Anticiper, pour sécuriser

L’un des plus puissants leviers pour diminuer le stress de la rentrée, c’est l’anticipation. Plus un enfant a de repères clairs en amont, moins il aura l’impression d’être plongé dans l’inconnu.

Cela peut passer par :

  • Des visites anticipées des lieux : revenir quelques jours avant dans la structure, rencontrer à nouveau certains membres de l’équipe, repérer sa classe, sa place, ses espaces sécurisants.
  • Des supports visuels personnalisés : photos des adultes de l’équipe, images du bâtiment, pictogrammes du déroulé d’une journée type, carnet de transition à feuilleter chez lui.
  • Des rituels symboliques : construire ensemble un emploi du temps illustré, fabriquer une trousse ou un objet qu’il pourra retrouver le jour J, choisir un objet à “emporter” de la maison pour faire le lien.

Anticiper, ce n’est pas tout prévoir, c’est rendre le monde plus lisible. Et un monde plus lisible est un monde moins menaçant.

2. Mettre des mots pour alléger le poids de l'émotion

Les enfants accompagnés en ITEP n’ont pas toujours le langage ou les outils pour exprimer ce qu’ils ressentent. Leur stress peut donc se transformer en passage à l’acte, en opposition brutale ou en inhibition totale. Il est fondamental que l’adulte verbalise pour eux ce qui se passe, sans interprétation hâtive ni dramatisation.

Dire par exemple :

  • «Tu as peut-être un peu peur de revenir ici, et c’est normal»
  • «Tu ne sais pas encore qui sera dans ta classe, c’est une question que beaucoup se posent»
  • «C’est vrai que c’est difficile de reprendre après les vacances, même pour nous les adultes»

Nommer ce qui se joue permet de désamorcer la tension. C’est une façon de dire à l’enfant : « Tu n’es pas seul à ressentir ça. Ce que tu vis a du sens, et je suis là pour t’aider à traverser cette émotion. »

3. Installer des rituels de sécurité dès le premier jours

Dès les premiers instants, chaque détail compte. Il ne s’agit pas de multiplier les consignes, mais de créer des repères constants, rassurants et incarnés.

Quelques exemples :

  • L’enfant est toujours accueilli par la même personne, au même endroit.
  • Il commence la journée par une activité connue (dessin, manipulation, lecture…), sans avoir à faire un choix trop difficile.
  • Un objet repère peut l’accompagner : un carnet de communication, une peluche-totem, une photo.

Ces petits rituels répétés jour après jour deviennent des ancrages émotionnels. Ils réduisent le stress de l’imprévu, donnent une forme de continuité dans une réalité souvent morcelée.

Pour ces enfants, la sécurité ne se décrète pas, elle se construit patiemment, dans les détails du quotidien.

4. Valoriser les petites réussites pour restaurer le sentiment de compétence

L’un des effets les plus insidieux du stress chronique chez l’enfant, c’est le sentiment d’impuissance. Celui de ne pas y arriver, de ne jamais répondre aux attentes, de ne pas être “à la hauteur”.

Pour contrer cela, il est essentiel de reconnaître les progrès minuscules — car ce sont eux qui, cumulés, construisent la confiance.

Dire :

  • «Tu es resté assis plus longtemps aujourd’hui, tu as fait un effort énorme.»
  • «Tu as osé me demander de l’aide au lieu de t’énerver tout de suite. Bravo.»
  • «C’est bien que tu sois revenu après la pause, même si c’était difficile.»

Ces messages doivent être authentiques, spécifiques, et tournés vers les efforts plutôt que vers les résultats. Ils montrent à l’enfant qu’il est capable, ici et maintenant — même si ses réussites ne ressemblent pas à celles des autres.

5. Se réguler soi-même pour mieux réguler l'autre

Enfin, accompagner un enfant stressé en ITEP, c’est aussi s’observer soi-même : comment je réagis face à sa panique, son rejet, son agressivité ? Est-ce que je me sens en insécurité ? Est-ce que je cherche à tout contrôler ? Est-ce que je me sens impuissant ou épuisé ?

Le stress de l’enfant se transmet, parfois en miroir. D’où l’importance de s’appuyer sur l’équipe, d’en parler, de partager les inquiétudes, de ritualiser les temps de débrief.

Un adulte qui prend soin de sa propre régulation émotionnelle est un adulte qui peut rester présent, contenir, sécuriser. Il n’a pas besoin d’avoir toutes les réponses, mais il doit être là, solidement là.

Comme le rappelle Fabienne Pitmann, chef du service thérapeutique du DITEP de l’Audronnière, cette période de la rentrée …..

Pour aller plus loin : se former à l’accompagnement émotionnel

Accompagner un enfant stressé, surtout dans un contexte aussi sensible que celui de l’ITEP, suppose non seulement des outils concrets, mais aussi une réelle compréhension des mécanismes émotionnels à l’œuvre chez l’enfant… et chez l’adulte. C’est précisément l’objectif de notre formation professionnelle « Comprendre et apprivoiser les émotions des enfants », accessible à tous les professionnel·les de l’enfance.

Ce module vous permettra d’approfondir :

  • les bases du développement émotionnel chez l’enfant,
  • les réactions émotionnelles intenses (colères, angoisses, crises…),
  • les postures d’accompagnement possibles dans un cadre éducatif et thérapeutique,
  • et surtout, les outils concrets à utiliser au quotidien pour sécuriser sans surprotégerapaiser sans nieraccompagner sans s’épuiser.

📚 Pour découvrir le programme complet :
👉 Comprendre et apprivoiser les émotions des enfants – APcomm

En conclusion

 

Dans un cadre comme celui de l’ITEP, la rentrée ne peut être pensée comme une formalité. Elle est un passage à soutenir, une transformation potentiellement douloureuse à accompagner. Les enfants que nous accueillons n’ont pas besoin qu’on les protège de tout stress, mais qu’on les aide à le traverser sans s’y noyer.

Cela demande de la préparation, de l’écoute, de la régulation — et surtout, une foi tranquille dans leurs capacités de croissance, même (et surtout) quand celles-ci sont encore invisibles.