Comment accompagner un enfant qui a connu une autorité violente ou instable quand il arrive en famille d’accueil ?

Rebâtir un lien de confiance, là où l’autorité a laissé des traces

Quand l’autorité fait peur

Il arrive dans votre foyer avec sa valise, son regard méfiant ou trop sage, son silence ou ses tempêtes. Il est petit, mais il a déjà connu bien des adultes. Des adultes qui criaient au lieu d’expliquer. Qui punissaient au lieu d’encadrer. Qui imposaient sans négociation, et parfois frappaient pour se faire entendre. D’autres étaient absents, incohérents, ou passaient d’un extrême à l’autre : rigides un jour, permissifs le lendemain.

Dans son monde, l’autorité n’a pas été un point d’appui, mais une menace. Elle était imprévisible, source d’angoisse, de confusion, de peur, parfois de honte. Alors il a appris à se méfier. À se défendre, à se cacher, à provoquer. Ou au contraire à se taire, à se suradapter pour éviter de déranger.

Lorsqu’il arrive dans une famille d’accueil, ce n’est pas seulement un nouveau lieu qu’il découvre. C’est une autre manière d’être adulte à laquelle il va être confronté. Et cette différence, aussi sécurisante soit-elle, peut d’abord… l’inquiéter.

Ce que l’enfant a retenu des règles

Ce qu’il a appris, ce n’est pas la règle. C’est l’arbitraire.

Il sait qu’un “non” peut vouloir dire “je t’ignore”, “je te punis”, “tu n’as pas de valeur”. Il sait qu’une consigne peut cacher un piège, un changement d’humeur, ou un rejet à venir. Il sait aussi qu’obéir peut parfois déclencher de la colère, et désobéir… de la violence.

Alors, quand vous posez un cadre clair, il peut :

→ se braquer, vous défier, exploser : “Tu veux me contrôler, toi aussi.”

→ fuir, se faire tout petit : “Moins je parle, moins je prends de risques.”

→ tester sans cesse : “Jusqu’où puis-je aller sans être rejeté ?”

Vous dites “ici, les adultes ne frappent pas”, mais il n’est pas sûr de vous croire. Vous répétez calmement une règle, et il se met à hurler. Vous posez une limite, et il se referme. C’est que pour lui, l’autorité est encore associée à la douleur, pas à la sécurité.

La mission : restaurer une autorité qui rassure

Dans un tel contexte, accompagner l’enfant, ce n’est pas “reprendre les choses en main”. C’est lui permettre de découvrir, dans l’expérience vécue, qu’un adulte peut contenir sans dominer. Qu’une règle peut protéger sans écraser. Qu’on peut dire non… sans faire mal.

Cela prend du temps, parfois beaucoup. Il faudra répéter, expliquer, rester stable face aux tempêtes. Il faudra encaisser parfois sans se rigidifier, poser sans se crisper, accueillir sans se dissoudre.

Mais dans cette constance douce, l’enfant fera une découverte fondatrice : l’adulte n’est pas son adversaire. Il est un repère. Un socle. Quelqu’un qui tient bon… pour lui.

Concrètement, comment poser ce cadre autrement ?

🌱 1. Dire les règles — et leur donner un sens

Ne jamais supposer que l’enfant “devine” ce qu’on attend de lui. Chez lui, les règles changeaient avec l’humeur des adultes.

Il a besoin qu’on lui explique calmement :
“Ici, les adultes ne frappent pas. Quand on est en colère, on en parle.”
“On se lave les mains avant de manger : c’est une règle pour prendre soin de soi.”
“Ce n’est pas pour te punir, c’est pour t’aider à te sentir en sécurité.”

🔁 2. Être cohérent… sans être rigide

Les enfants blessés par l’autorité testent. Pas par provocation, mais par survie.

Ce qu’ils veulent savoir : “Est-ce que tu vas tenir bon ? Est-ce que tu vas exploser ? Est-ce que tu vas m’abandonner ?”

Il faut tenir les limites, tout en acceptant que l’enfant ne les accepte pas tout de suite. Ce n’est pas une question d’obéissance : c’est une histoire de confiance, qui ne se construit que dans la répétition.

🧘‍♀️ 3. Accueillir les émotions sans les juger

La frustration, chez lui, n’est pas une simple contrariété. C’est parfois une angoisse de rejet, une alerte de danger. Il peut crier, se débattre, insulter.

Votre rôle : être un contenant stable, pas un adversaire.
“Tu es en colère, et tu as le droit. Je suis là. Tu peux t’exprimer sans casser. Je t’écoute.”

🤝 4. Réparer sans humilier

Quand il dépasse les bornes, ce n’est pas l’humiliation qui l’aidera. Il a besoin d’apprendre que l’erreur n’efface pas le lien.

“Ce que tu as fait n’était pas acceptable, mais moi, je reste. Et on va réparer ensemble.”

Ce que vous construisez avec lui

Vous ne transformerez pas son passé. Mais vous pouvez transformer sa mémoire relationnelle. Chaque fois que vous tenez bon sans crier. Chaque fois que vous l’écoutez sans juger. Chaque fois que vous posez une limite sans menace. Vous déconstruisez, doucement, l’idée qu’il s’est faite des adultes.

Et alors, petit à petit, il pourra :

→ s’autoriser à dire ce qu’il ressent sans exploser,

→ accepter une règle sans croire qu’elle le menace,

→ oser faire confiance,

→ et, parfois, vous dire simplement : “Merci. Je sais que tu ne vas pas partir.”

Pour aller plus loin : poser un cadre solide sans reproduire la violence

Reconstruire un lien de confiance avec un enfant abîmé par une autorité violente ou incohérente demande du temps, de la patience… et des repères professionnels solides. Comment poser des limites sans rapport de force ? Comment rester ferme sans être dans la menace ? Comment sécuriser un enfant qui teste, qui rejette, qui craint les règles autant qu’il en a besoin ?

C’est tout l’objectif de notre formation « Donner un cadre solide et sécurisant aux enfants », pensée pour les professionnel·les de l’enfance, les assistant·es familiaux·les, les éducateur·rices et les équipes accompagnant des enfants en situation de fragilité.


Au programme :

→ Comprendre ce que vit un enfant confronté à des ruptures d’autorité

→ Poser un cadre sans punir ni céder

→ Réagir aux oppositions sans s’épuiser

→ Adopter une posture ferme et contenante, sans rigidité

📚 En savoir plus :

🪴 En résumé

Accompagner un enfant blessé par l’autorité, c’est :

✔ Reconnaître que son opposition est une mémoire, pas un caprice
✔ Poser un cadre explicite, stable, prévisible
✔ Accueillir les émotions sans sanctionner le ressenti
✔ Réparer sans chantage, construire sans punir
✔ Offrir un lien qui dure, même quand l’enfant le met à l’épreuve

Parce qu’un jour, il pourra dire : “Chez moi, les règles ne faisaient plus peur. Elles m’ont aidé à grandir.”

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