Il arrive parfois que les parents ou les professionnels se demandent : « Est-ce que c’est du harcèlement, ou je me fais des idées ? »
Un jour, un enfant ou un ado vient vous voir. Parfois en confiance, parfois à demi-mot. Et il dit quelque chose comme :
« Je crois que je me fais harceler sur Snapchat… mais je sais pas si c’est vraiment du harcèlement. »
Il y a de la peur. De la honte. Du doute. Parfois de la confusion aussi : entre moquerie et persécution, entre blague et humiliation, entre embrouille passagère et violence répétée.
Et surtout : il y a cette vulnérabilité absolue de celui qui ne sait pas s’il a le droit de se plaindre, ou s’il doit “encaisser”.
Dans un tel moment, le 1er réflexe doit être d’accueillir sans minimiser, écouter sans trancher trop vite, créer un espace où l’enfant peut poser des mots, et se sentir soutenu, quel que soit le diagnostic final. Que l’enfant soit victime ou pas, il a besoin de pouvoir se confier et de raconter. C’est une confiance énorme qu’il vous accorde et qu’il s’agit d’honorer par une écoute empathique.
Dans la formation sur le harcèlement et le cyberharcèlement développé par notre structure, nous proposons aux professionnels ou parents de suivre alors les 3 étapes suivantes :
Avant d’intervenir, il est essentiel de revenir au cadre.
Le cyberharcèlement se définit comme :
💬 Une violence répétée en ligne, via messages, publications, vidéos, commentaires, moqueries, menaces, etc., visant une personne dans l’intention (ou l’effet) de l’humilier, l’isoler ou l’atteindre.
Cela peut prendre des formes très diverses :
– moqueries répétées dans un groupe de classe
– insultes ou surnoms dégradants envoyés en privé
– diffusion de photos intimes ou gênantes
– exclusion volontaire d’un groupe ou “ban”
– envoi massif de messages ou de réactions hostiles
– rumeurs propagées sur les réseaux sociaux
– “lynchage” en story ou en commentaires
🎯 Ce n’est pas la plateforme qui fait le harcèlement. C’est l’intention, la répétition, et l’effet sur la victime.
Il est donc essentiel d’aider l’enfant à faire le tri :
– Ce message a-t-il été envoyé une fois ou plusieurs ?
– Est-ce que d’autres personnes sont impliquées ?
– Est-ce que ça me fait du mal, me fait peur ou me fait honte ?
– Est-ce que ça continue, même quand je demande d’arrêter ?
👉 Même si tous les signes ne sont pas réunis, la souffrance mérite d’être entendue.
Inviter l’enfant ou l’ado à décrire ce qui se passe, calmement, sans chercher à tout comprendre tout de suite.
On peut utiliser des phrases comme :
– « Raconte-moi ce qui t’a poussé à penser que c’était du harcèlement. »
– « Est-ce que tu as gardé des traces de ce qu’on t’a envoyé ? »
– « Qu’est-ce que tu ressens quand tu reçois ces messages ? »
– « Est-ce que tu as peur d’aller à l’école / d’ouvrir ton téléphone ? »
💡Encourager à garder les preuves : captures d’écran, enregistrements, témoignages. Ne jamais demander de supprimer les messages, même s’ils sont choquants.
🔒 Et rappeler en toute occasion que “Tu n’es pas responsable de ce qu’ils t’envoient. Ce n’est pas ta faute.”
Même si l’enfant ou l’ado vous fait confiance, il est important de ne pas porter cela seul.
En tant que professionnel·le, vous avez une responsabilité de protection, mais aussi de transmission si nécessaire :
– Si les faits relèvent d’un harcèlement scolaire, ils doivent être signalés au référent harcèlement de l’établissement.
– Si des faits graves sont identifiés (menaces, photos intimes diffusées, incitation au suicide…), un signalement judiciaire peut être envisagé.
– Vous pouvez orienter vers des dispositifs d’écoute ou de médiation :
📞 3018 (numéro national contre le cyber-harcèlement – appel et tchat gratuit)
👥 Service de vie scolaire, psychologue scolaire, CPE, médecin scolaire
👨👩👧 Dialogue avec la famille, avec l’accord de l’enfant si possible
🎯 L’enfant n’a pas à “gérer” seul la situation. Votre présence est déjà une forme de réparation.
Si l’enfant accepte, vous pouvez :
– L’aider à formuler un signalement (dans l’établissement, ou en ligne via Pharos, CNIL, plateforme de signalement de TikTok, Instagram, etc.)
– L’accompagner dans la restauration de son image de soi : retrouver des espaces sécurisants, où il est valorisé
– Lui proposer un suivi ou un espace d’écoute régulier, pour reprendre confiance
💡 Si l’enfant n’est pas prêt à agir, ne pas le forcer. L’important est qu’il sente qu’il a un adulte fiable à ses côtés.
🎓 Pour aller plus loin : se former pour mieux prévenir et accompagner
Le cyberharcèlement est une forme de violence encore trop banalisée, souvent méconnue dans ses mécanismes et ses effets psychologiques. Pour les professionnel·les de l’enfance et de l’adolescence, il est essentiel de savoir reconnaître les signes, agir de manière coordonnée et adopter une posture qui soutient sans exposer davantage.
C’est tout l’objectif de notre formation « Prévenir le harcèlement et le cyberharcèlement » proposée par APcomm.
Elle permet de :
– mieux comprendre les dynamiques relationnelles qui mènent au harcèlement (en présentiel comme en ligne),
– développer des outils de prévention en milieu scolaire et éducatif,
– savoir comment réagir face à une situation déclarée ou suspectée,
– et construire une culture éducative du respect, du consentement et de la régulation sociale.
En résumé
Accompagner un enfant ou un ado qui se demande s’il est victime de cyberharcèlement, c’est :
✅ Accueillir le doute sans minimiser
✅ Clarifier ce qu’est (ou pas) une situation de cyberharcèlement
✅ Encourager à parler, à montrer, à garder des traces
✅ Ne jamais banaliser la souffrance, même si les faits “semblent petits”
✅ Travailler en réseau avec les autres professionnel·les et les familles
✅ Aider à reconstruire la confiance, la sécurité et l’image de soi
Parce qu’en ligne comme dans la cour d’école, personne ne devrait avoir à choisir entre se taire ou se défendre seul.